Toufik ou la paranoïa du pouvoir
Il ne se passe plus un événement dans le pays sans que le clan au pouvoir soupçonne l’ombre du toujours mystérieux ex-patron du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Après la main de l’étranger, c’est désormais la main de Mohamed Mediène, dit Toufik, que le pouvoir agite pour… sévir !
Son ombre plane toujours et l’“exagération” dont use actuellement le clan au pouvoir, par rapport à de supposées manœuvres en sourdine du général Toufik, prêtent parfois à rire.
C’est ainsi que les internautes algériens s’amusent à combler le temps des heures perdues de ces périodes de grandes chaleurs d’été, en s’adonnant à un humour bien particulier : “Il ne manquerait plus qu’ils nous disent que c’est lui qui est derrière les secousses sismiques enregistrées dans la région de l’Algérois…” ! Le général de corps d’armée, Mohamed Mediène, dit Toufik, le chef des renseignements algériens le plus mystérieux de l’histoire de l’Algérie indépendante, admis à la retraite en septembre 2015, continue à faire parler de lui.
Peut-être malgré lui. Puisque, si des soupçons sont nourris en sa direction, s’agissant, par exemple, de la fameuse initiative des “19”, souvent, de simples transactions commerciales, comme le rachat de parts du groupe de presse El Khabar, par une filiale du Groupe Cevital, Ness-Prod, lui sont imputées. En attendant de savoir formellement si c’est à tort ou à raison que ces griefs lui sont faits, il est établi, pour l’instant, et de l’avis de l’opinion publique, que cela relève plutôt de “la science-fiction”. Car le leurre de l’“État civil” prôné par les maîtres chanteurs des nouveaux tenants du pouvoir s’est avéré une courte illusion.
Sinon, comment expliquer que le député FLN, et néanmoins ex-P-DG de la compagnie aérienne Air Algérie, Wahid Bouabdallah, soit convoqué à la fameuse caserne “Antar” pour y être interrogé et, plus encore, “maltraité”, par un colonel dit “Smaïn”, du nouveau département des services des renseignements algériens. Pour mieux faire la lumière sur cette nouvelle phase sombre de l’histoire contemporaine de l’Algérie, des personnalités, mais aussi des partis politiques donnent leur avis. C’est ainsi qu’une ancienne ministre qui ne s’“inscrit pas dans les démarches de l’actuel clan au pouvoir”, des démarches qu’elle juge “en deçà de son niveau” et de “son rang”, estime que “Toufik Mediène se tait parce que c’est son métier qui l’exige”. Et pour elle, “c’est parce qu’il fait ce métier depuis tellement longtemps que c’est devenu une seconde nature pour lui”. C’est parce que, aussi, ajoute-t-elle, “il s’agit de quelqu’un de très sérieux et de trop respectueux de ce pays et de son peuple”.
C’est donc, conclut-elle, “un homme qui ne fait, forcément, pas dans l’agitation”. Mais au Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), on considère plutôt que “les atteintes aux libertés ont toujours été une constante chère aux différents tenants du pouvoir, que ce soit du temps de Mohamed Mediène, dit Toufik, ou du temps du Malg ou leurs actuels héritiers”. Le secrétaire national à la communication, Athmane Mazouz, dit ne pas voir “dans ces récentes atteintes aux droits de l’Homme une quelconque paranoïa qui peut servir l’actuel clan au pouvoir face à l’ancien chef des services de renseignements algériens (ex-DRS), qui est aussi manœuvrier et autant hostile à la promotion des droits et des libertés et au respect des choix démocratiques du peuple algérien”. Pour lui, “dans notre pays, la lutte des clans pour le contrôle des centres de décisions, loin des préoccupations de la souveraineté du peuple, est une marque de fabrique du pouvoir algérien qui remonte à l’indépendance du pays”. Et, poursuit-il, “tant que le peuple est privé d’élections libres, le système continue à se reproduire par les mêmes méthodes”. Il estime que “les clans qui contrôlent les institutions déterminantes du pays et qui prévoient une succession arrangée sont le véritable danger pour la nation”. Il constate, cependant, que “le pays vit un réel rétrécissement des libertés, des atteintes récurrentes aux droits de l’Homme et un verrouillage politique et médiatique”. Le tout, ajoute-t-il, “couronné par une situation sociale explosive qui augure d’une rentrée sociale des plus compliquées”. Un autre parti, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), voit les choses sous le même angle, cependant un peu nuancée. Contacté hier, le président du MSP, Abderrezak Makri, précise que “les luttes au sommet du pouvoir ne nous concernent pas”. Au MSP, souligne-t-il, “on estime qu’il y a un pouvoir en face de nous qui doit partir. Car celui qui gagne dans la guerre des clans va forcément appliquer les mêmes méthodes, donc mobiliser les mêmes appareils, que sont le FLN, le RND, l’UGTA et l’administration”. Ce pourquoi, il considère que “cela reste une question interne au système” et appelle “au changement et à la transition démocratique”. S’agissant d’une lecture purement politique,
M. Makri a préféré garder ses distances : “Nous ne pouvons pas faire une lecture politique parce que nous n’avons pas d’informations…”
Source: liberte-algerie.com
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